26. Les Kartaks

Les conseillers se tiennent sur l’un des pontons, face à l’embarcation dans laquelle Hel Talek s’apprête à monter.

  • Hel, nous vous sommes reconnaissants de prendre en charge cette dangereuse mission. Tous les conseillers vous ont choisi, compte tenu de vos talents et de votre résistance physique. Nous savons que vous la mènerez à bien. Cette épée ne doit pas être découverte, ni tomber dans de mauvaises mains. Votre navire lui servira de cachette le temps du voyage, mais l’onguent protecteur que nous avons disposé autour de cet étui, qui la rend indécelable, ne durera pas longtemps.
  • J’irai la placer au plus profond d’un volcan, au milieu de l’océan, ainsi elle se perdra à jamais dans la mémoire des hommes.
  • Il est heureux que vous ayez eu cette initiative, Hel. Prenez bien soin de cacher l’épée avec son étui fermé. Il y a beaucoup de mystères actuellement, ne prenons pas de risque.

Hel Talek monte dans le navire spécialement préparé pour cette mission. Kak ressent que l’ancien guerrier souhaite démontrer au conseil son implication dans la vie des O’guf’n et son désintérêt. L’étui, une sorte de boîte noire, lui est confiée. Il la range à l’abri, dans l’habitacle et met en marche le bateau qui file droit devant. Il parviendra à destination dans deux ou trois jours.

Au même moment, Hervel grimpe dans un véhicule prêté par les O’guf’n, accompagné par quelques savants désireux de se rendre chez les Hallouis pour se procurer de la Rosat pour leurs préparations.

Le lendemain, alors qu’il est déjà très loin du continent, Talek peut commencer à relâcher sa concentration. Quelques jours plus tôt, il a pris connaissance de l’arrivée des Hallouis et de cette épée surpuissante. Il a compris tout le bénéfice qu’il pouvait en tirer. Sa prise de distance avec le village atténue la connexion aux autres conseillers et à la source du savoir commun. « Il s’agit donc bien d’un savoir lié à la proximité avec une sorte de bibliothèque marine et non quelque chose que l’on garde en soi », se dit-il. Mais peu importe puisque son plan s’est déroulé comme prévu. Il se retrouve détenteur d’une arme fantastique. Ses idées de conquête pacifique ont désormais disparu. Avec cette arme, il fera couler le sang.

Il pose l’étui sur le pont, fait sauter le verrou et sort l’épée. Il la manie quelques instants, ivre du pouvoir qu’elle dégage et dont lui, souverain de Talek, est désormais le possesseur. 

  • Ce jeune Hervel en avait usé de façon bien sommaire, ignorant les secrets qu’elle renferme. Dans une main experte, elle me rendra invincible.

Il s’approche du bord du bateau et ferme les yeux. Les vagues commencent à se faire plus agitées et plus hautes. Des formes sombres tournent autour de lui dans les profondeurs. Le bateau est secoué par les mouvements de l’eau. Talek sourit à l’idée de ce qu’il verra bientôt devant lui. Soudain, des Kartaks aquatiques géants surgissent des flots, s’envolent en battant leurs larges ailes. Ces dragons, cachés depuis toujours dans les entrailles de l’océan, répondent à l’invitation de l’épée en crachant des gerbes de flammes en signe de soumission. Ils sont dix, puis vingt, puis cent à faire allégeance à leur nouveau maître. Hel Talek se retrouve entouré d’une armée de dragons.

Pendant, ce temps, dans la salle du conseil :

  • Conseiller Kak, notre plan se déroule comme prévu, mais je m’interroge toujours. Etait-il sage d’agir de la sorte ?
  • Un ennemi plus fort augmente le nombre de ses ennemis, voyez-vous. Les pièces se mettent en place. Dès l’origine, c’est un pari risqué mais avions-nous le choix ? Notre meilleure arme est l’imprévu.