4. Scape le voleur

Scape le voleur se tient devant la petite masure. Dans la nuit, il se glisse près de la fenêtre et regarde au-dedans. Un vieil homme dîne d’une maigre soupe à la lueur d’une bougie. Dans son regard, la vie a presque déjà disparu. Ses yeux vitreux perçoivent à peine la flamme qui danse auprès de son repas misérable. Il peut à peine soulever son bras pour s’alimenter. La faible lumière donne encore quelques couleurs à sa peau grise.

Il n’y a aucun bien qui puisse intéresser un voleur en quête de butin. Il regarde avec dédain le vieil homme et s’apprête à partir. Mais une lueur rouge attire tout de même son attention. Sur la table, une petite boite ouverte, posée précieusement devant le vieillard, d’où émane une lumière d’un rouge vif. « Un rubis », se dit-il tout bas, un malin sourire aux lèvres. Le seul bien de valeur dans cette pauvre demeure, que l’homme tient à ses côtés, comme l’ultime espoir qui l’attache encore à ce monde. Il s’approche de la porte et donne un violent coup de pied pour l’ouvrir et crie « Tu restes où tu es, le vieux, et il ne t’arrivera rien !» puis il se précipite sur la boite, devant les yeux médusés du pauvre homme qui n’a pas le temps de prononcer un mot. Il s’en saisit, la place dans son sac, et repart sans se presser, en vérifiant que personne ne l’a vu sortir de la maison.

Quelques heures plus tard, de retour chez lui, il vide son sac sur une grand table de bois. La nuit a été prolifique : des pièces d’or, de l’argenterie, et cette étrange boite. Il l’ouvre pour contempler le rubis, estimant par avance combien il pourra en tirer. Il ne découvre qu’une petite fiole contenant un liquide rougeâtre luisant. « Qu’est-ce que c’est que ce truc ? », se demande-t-il. Il l’ouvre et l’approche de ses narines. Une odeur âcre les pénètre. Il la referme d’un coup en grimaçant, et la replace dans sa boite. Il redresse la tête et découvre stupéfait le vieil homme devant lui, qui le regarde avec un doux sourire. Il fait un bond en arrière, surpris de la présence de cet intrus. Il n’aurait pas cru qu’il puisse se déplacer à cette vitesse, ni qu’il aurait retrouvé sa demeure.

  • Je crois qu’il est grand temps de reprendre ma forme d’origine…dit le vieillard. Où est ma fiole ? Ah, la voici ! Parfait…nous y sommes presque, dans la tradition ancestrale des mages Valteurs, dit-il en riant. Ne craignez rien, c’est rapide.

Scape sort un poignard, se jette sur l’homme et tente de le transpercer. Il esquive le coup en tournant sur lui-même. Le mouvement déséquilibre le voleur. Il s’appuie maladroitement sur la table qui se renverse sous son poids. La fiole roule, tombe et explose sur le sol, répandant le mystérieux liquide autour d’elle dans une projection de verre. Le voleur reçoit quelques gouttes sur son visage, qui pénètrent la peau, provoquant une vive douleur. Cependant, Scape se ressaisit et assène un coup de couteau au ventre du vieil homme, qui s’effondre aussitôt. Mais il respire encore. Il s’agenouille pour lui trancher la gorge, place le couteau contre le cou et d’un geste vif, ouvre la peau pour laisser couler le sang.

Mais la confusion se fait dans son esprit. Il se sent soudain écrasé au sol avec une douleur vive dans l’abdomen et une incapacité à respirer. Que se passe-t-il, qui a bien pu l’atteindre ? Il voit le vieillard s’approcher de son visage. Il a du mal à le distinguer car son regard est flou et altéré. L’homme lui dit « Je dois dire que vous êtes arrivé au moment parfait, j’avais déjà épuisé toutes les pistes possibles ! ». A vu d’œil, l’homme rajeunit devant lui. Scape regarde ses mains qui, elles, vieillissent rapidement alors qu’il se vide de son sang « Aidez-moi, par pitié… », dit-il dans un souffle. « Hélas mon ami j’ai beaucoup à faire. Votre vie sera mise au service d’un noble usage, soyez-en certain. » Pris de panique, le voleur tente un dernier cri d’effroi avant de subir la morsure fatale de la mort.

Elderoden, le sorcier, part d’un pas rapide. Il ressent une énergie nouvelle l’envahir. Sa puissance est de retour. Son ambition est dévorante.